mercredi 18 février 2015

Un nom mongol perdu chez les Kazakh ? un livre dont vous êtes le héros...

La mosquée kazakh de Buyant, un sum de peuplement urianhai (mongol) et kazakh, province de Bayan Ölgii ©R. Blanchier
En Mongolie, il y a des Mongols, bien sûr. Ils appartiennent à d'innombrables groupes et sous-groupes et sous-sous-groupes ethniques qui se découpent et se recoupent de façon pas très régulière en fonction d'anciennes divisions militaires, claniques, administratives, familiales ou autres. Et à côté des Mongols, il y a aussi des Kazakhs. Attention, ces Kazakhs-là sont aussi mongols, de citoyenneté mongole, bien sûr. Mais d'ethnie (ündesten) kazakh et de langue aussi kazakh, qui sont distinctes de l'ethnie (on dit parfois aussi "nationalité" en référence à un vieux terme soviétique traduit du russe) mongole et de la langue mongole. Ces Kazakhs habitent principalement à l'ouest, pas très loin de la frontière proche du Kazakhstan, dans les provinces de Hovd et Bayan-Ölgii, et un peu aussi à la capitale, Ulaanbaatar. 

Cengel (Tsengel) sum, le village natal de Galsan Tschinag ©R. Blanchier

Dans certains sum (c'est-à-dire district, l'échelon administratif inférieur à la province), ils sont minoritaires par rapport aux ethnies mongoles. Dans certains autres, ils sont majoritaires. Dans d'autres encore, il n'y a quasiment plus que des Kazakhs. C'est le cas par exemple de Sagsai, un petit sum de Bayan-Ölgii, sur une des routes qui mènent à Cengel, le village natal de l'écrivain Galsan Tschinag. 

Je n'ai passé que quelques jours à Sagsai, justement en revenant de cet étonnant petit village de Cengel. Le temps d'y croiser le directeur du centre culturel, le prof de musique, la prof de danse, quelques enfants et leurs familles. Tous des Kazakhs (mais ils parlent un peu mongol comme moi, heureusement, sinon on ne se comprendrait pas!).

Le temps passe... 

Akêrkê, prof' de danse de Sagsai ©R. Blanchier
Près d'un an et demi plus tard, je trie enfin les quelques milliers de numéros de téléphone enregistrés en Mongolie au cours des années précédentes dans mon répertoire à toute épreuve (quand on vous dit qu'il faut du temps, pour la recherche, on voit à quoi on le consacre !). Et là, je tombe sur un contact qui se nomme : Chuluun Sagsai BÖ. Sagsai BÖ, c'est le district de Sagsai de Bayan-Ölgii, ça ne peut faire l'ombre d'un doute. Mais Chuluun, par contre, ce n'est premièrement aucun de mes contacts sur place, et deuxièmement c'est un nom mongol. Dans un village kazakh?


La thèse, en fait, c'est un peu "le livre dont vous êtes le héros".  Si vous tombez sur Sagsai et que vous bloquez, rendez-vous en page 1694 du cahier de terrain numéro 18 (authentique) pour plus d'informations. Soit. J'y retrouve avec émotion les personnages que j'ai rencontrés sur place, le directeur du centre culturel, la prof de danse, les petits enfants, etc. Hélas... aucune, mais alors AUCUNE trace de Chuluun, ni d'une quelconque présence mongole sur place.
Vous êtes seul, c'est vous le héros, et vous avez le choix (en fonction de certains objets magiques qui sont en votre possession ou pas) :
1. vous n'avez visiblement pas lu le "parfait manuel du carnet de terrain", car vous devriez avoir répertorié plus clairement ce Chuluun à la bonne page du bon carnet : allez vous flageller en passant trois tours et recopiez cent fois les pages correspondantes du "parfait manuel du carnet de terrain", ça vous apprendra peut-être pour la prochaine fois.
2. Vous avez lu et appliqué avec une conscience méticuleuse et admirable le "parfait manuel du carnet de terrain", vous ne POUVEZ PAS avoir fait d'erreur aussi grossière. C'est plutôt dans la saisie du contact dans le téléphone qu'il faut chercher la bourde. Le "parfait manuel du carnet de terrain" ne disant absolument rien sur la gestion d'un carnet de contacts dans un téléphone double sim modèle 1930 importé de Russie, vous ne POUVEZ PAS vous sentir coupable de faute professionnelle si vous avez enregistré sous un faux nom ce contact. Prenez l'entrée du labyrinthe...

En effet, il faut bien savoir qui est enfin ce (ou cette ?) Chuluun pour continuer l'aventure (peut-être pas en fait, mais ne pas vérifier équivaudrait à passer outre la maxime n° 34 du "manuel du parfait tri des données de thèse", ce qui est moralement impensable). Seule solution : éplucher tous les carnets, à la recherche de toutes les occurrences de Sagsai et toutes les apparitions d'un éventuel Chuluun : un des prénoms mongols les plus courants, oui, plus courant que Pierre (dont il a le sens) en français! 

La route entre Cengel (Tsengel) et Sagsai, plus aisée à suivre que la route sinueuse de la thèse... ©R. Blanchier
Moralité : la prochaine fois, appliquez donc le "parfait manuel du carnet de terrain" à votre carnet d'adresses ! 

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