lundi 16 février 2015

Erenpil, une histoire de nom (encore)

Shar Khüükhen en tenue d'hiver
Dans l'épisode précédent (Voir Erenpil en Mongolie), on apprend comment de Raphaël, mes amis mongols m'ont baptisé Erenpil. 

Cette histoire de nom, Erenpil, n’a pas fini de faire rire dans la vallée et à la ville. Ma collègue Charlotte, rebaptisée de son côté Shar Khüükhen (« la fille aux cheveux châtain ») par Gantömör, le frère aîné de Tömörbaatar, n’a pas fini de s’esclaffer en entendant mon nouveau nom mongol, qu'elle trouve, évidemment, moins bien que le sien. D’ailleurs, en peu de temps toute la famille de nos hôtes est au courant (et une famille mongole, ça fait du monde !) ; la sœur de la ville, Chuka, ma grande amie de toujours, n’en peut plus de rire et de m’appeler ainsi par dérision. Je me plains : ce nom ne veut rien dire, et il est moche, tout le monde en rit ! Et Chuka me console (tant bien que mal) : mais non, ce n’est pas moche, c’est un nom d’origine tibétaine, très respecté en Mongolie. Ah ? et ça veut dire quoi, alors ? Ben, en fait, euh… mais c’est très respectable comme nom, ne t’inquiète pas ! 
Effectivement, maintenant, partout où je vais je ne m’appelle plus Raphaël, mais Erenpil, et les Mongols sont enchantés – sauf pour mes amis très très proches, évidemment : pour eux je reste moi-même, le Français Raphaël (Arafel), qui s’est perdu en Mongolie.

Mes grands amis Chuka et Shijiree! Ölziit, août 2012, © R. Blanchier
Erenpil, Raphaël ? C’était trop simple pour durer... 

Mars 2013. Ölgii capitale de la province de Bayan-Ölgii, région de l’extrême ouest mongol peuplée majoritairement de Kazakhs. C’est le printemps dans les contreforts de l’Altai, la ville est à 1700 mètres d’altitude. Autant dire qu’il gèle sec, même si la rivière recommence à sourdre sous les monceaux de neige et de glace. Après une rude journée de labeur, une équipe d’anthropologues dont je fais partie décide d’aller se détendre à la boite dansante du centre-ville. Malgré l’interdit qui pèse sur l’alcool et la cigarette, ordre moral du gouvernement démocrate et ambiance musulmane obligent (plus ou moins selon les cas), certains parviennent à déjouer la surveillance des vigiles. Sur la piste, mes petits élèves du jour, les jeunes danseurs du théâtre, se lâchent sur les rythmes variés de la dombra et de tubes venus d’Asie centrale. Ils ont la permission de onze heures, et certains ont 17 ans à peine. On se branche avec des Kazakhs venus de la province voisine de Khovd (Hovd) vendre leurs récoltes de légumes et tubercules au marché d’Ölgii. À peine le temps de sympathiser, à 23h45, la boite ferme, et tout le monde dehors. Nos nouveaux amis cultivateurs, hélant un chauffeur qui passe, nous proposent de prolonger la soirée chez un cousin ou un frère, qui n’habite pas très loin (comprendre à l’autre bout de la ville). Dans le taxi, nous faisons plus ample connaissance. 
Ölgii, capitale des Kazakh de Mongolie, mars 2013, © R. Blanchier

Et lui, comment il s’appelle ? demande l’un d’eux en me désignant, s’adressant à notre aînée, dont le mongol est fluide. C'est indirectement à moi que la question s'adresse. La langue kazakh passe à l’oreille mongole pour proche du français. Je n’hésiterai qu’un instant à leur livrer mon nom véritable. 
"Je m’appelle Arafel", claironné-je, désireux de faire montre de mes talents linguistiques de mongolophone chevronné, tout en transformant la prononciation de façon que je crois audible. Las. Un paramètre que je n’avais pas pris en compte : l’action de l’alcool cheap sur l’oreille kazakh. 

C’est ainsi que, devant mes collègues écroulés de rire, je devins, irrémédiablement… Arafat !

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